La PCPH, telle qu’elle a été prévue au budget, ne sera pas mise en œuvre en respectant les principes d’inclusion, d’équité et d’accessibilité, et elle ne fournira pas non plus aux personnes en situation de handicap un revenu de base leur permettant de bénéficier des avantages de la vie en société au Canada. En réponse à une demande du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées (HUMA)iv, le Bureau de la condition des personnes handicapées indique que, compte tenu des niveaux de financement actuels, la PCPH ne permettra de sortir de la pauvreté que 25 000 personnes en situation de handicap – sur plus de 1,2 million de personnes, ce qui n’est pas une bonne nouvelle.
Le temps presse, car des millions de personnes en situation de handicap continuent d’avoir du mal à subvenir à leurs besoins essentiels, d’autant plus que l’inflation crée des pressions financières supplémentaires. Les programmes actuels de soutien du revenu offerts par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires aux personnes en situation de handicap fournissent des revenus qui stagnent bien en dessous du seuil de la pauvreté. Dans ce contexte, la PCPH est une prestation essentielle. Dans sa proposition prébudgétaire de 2024-2025v, la Marche des dix sous du Canada a demandé que la PCPH soit financée en tenant compte de la formule suivante, qui est largement acceptée au sein de la communauté des personnes en situation de handicap :
Revenu actuelvi + PCPH = seuil officiel de la pauvreté du Canadavii + 30 % des coûts liés à un handicap
Dans son projet de règlement sur la PCPH, lorsqu’il détermine le niveau de revenu, le gouvernement intervient dans le cadre de structures existantes fondées sur le capacitisme en basant l’admissibilité à la PCPH sur le revenu du ménage plutôt que sur le revenu individuel. En agissant ainsi, il va à l’encontre des appels répétés des parties prenantes et des personnes en situation de handicap qui l’invitent plutôt à choisir le revenu individuel. Il va aussi à l’encontre des engagements pris par le Canada en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies visant à garantir la dignité et l’autonomie de toute personne en situation de handicap.
En choisissant le revenu du ménage comme base de calcul pour établir le montant des prestations au titre de la PCPH, on augmente la dépendance des conjoints et on réduit leur liberté de choix, car la PCPH sera progressivement réduite si l’un des conjoints a un revenu un peu plus élevé qui excède 32 500 $ (quoique ce revenu soit toujours considéré comme faible). En raison des plafonds déjà immoralement bas des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada et des programmes de soutien du revenu provinciaux et territoriaux qui maintiennent les personnes en situation de handicap dans une pauvreté persistante, supprimer l’accès à la PCPH en se basant sur le revenu du ménage est inacceptable, quel que soit le niveau de revenu envisagé. Cela perpétue l’idée que les personnes en situation de handicap ont besoin qu’on leur fasse la charité. Cela va aussi à l’encontre des engagements internationaux pris par le Canada.
De plus, la Marche des dix sous du Canada encourage le ministre et le Cabinet à veiller à ce que les programmes provinciaux et territoriaux soient harmonisés avec la PCPH et à ce que les personnes qui dépendent des programmes de soutien du revenu ne soient pas découragées de retourner sur le marché du travail. En outre, il faut que la PCPH soit classée dans la catégorie des revenus non imposables (comme l’Allocation canadienne pour enfants), ce qui atténuera les répercussions sur l’admissibilité des bénéficiaires aux programmes existants ainsi que d’autres répercussions en aval.
La Marche des dix sous du Canada a accueilli favorablement l’annonce faite dans l’Énoncé économique de l’automne 2024 selon laquelle le gouvernement fédéral envisageait d’exclure la PCPH en tant que revenu en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, avec la prorogation du Parlement au début de 2025, cet élément n’a pas encore fait l’objet d’une législation. Nous recommandons vivement au ministre et au Cabinet de prendre le même engagement lorsque le Parlement reprendra ses travaux.
Optimisation de l’infrastructure et des processus d’interface pour les prestations d’invalidité fédérales
Parallèlement à l’élaboration de cette nouvelle prestation fédérale, il est essentiel de faire des investissements pour garantir que les personnes admissibles à la prestation n’aient aucun obstacle à surmonter pour y accéder. La Marche des dix sous du Canada a appris, par l’entremise de ses décennies de travail auprès des personnes en situation de handicap et des conclusions tirées de son sondage de l’automne 2020 et de son rapport Une prestation sans obstacle, que les bénéficiaires continuent de se heurter à des obstacles pour accéder aux prestations d’invalidité fédérales auxquelles ils ont droit.
Les obstacles nuisant à l’accessibilité des prestations d’invalidité fédérales sont bien documentés, comme l’a indiqué de façon détaillée le Comité consultatif des personnes handicapées de l’Agence du revenu du Canada en ce qui a trait au crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) et au régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI).viii Par exemple, on estime que seulement 40 % des personnes admissibles utilisent le CIPH.ix
La Marche des dix sous du Canada applaudit l’engagement du gouvernement fédéral à fournir le meilleur niveau d’accès et de service possible pour l’ensemble des prestations, des programmes et des services gouvernementaux, en « [entreprenant] un examen complet de l’accès aux programmes fédéraux pour les Canadiens en situation de handicap »x La Marche des dix sous du Canada encourage la ministre de l’Emploi et du Développement de la main-d’œuvre, la ministre du Revenu national et le ministre des Services aux citoyens à consulter largement les parties prenantes afin de déterminer la voie à suivre.
Nous recommandons aux ministres de veiller à ce que l’administration du programme de la PCPH, les points d’accès des utilisateurs et l’interface du nouveau système de gestion de la PCPH soient fondés sur une approche simplifiée à guichet unique respectant des normes d’accessibilité de classe mondiale. Cette approche aurait des retombées importantes et positives sur la façon dont les personnes en situation de handicap interagissent avec le système qui leur fournit un revenu. On éliminerait ainsi une importante source de stress pour une communauté qui a besoin que son gouvernement agisse comme un facilitateur compatissant et serviable.
Dans l’éventualité où le CIPH demeurerait la porte d’entrée permettant aux personnes d’avoir accès au programme de la PCPH et de présenter une demande de prestations, nous recommandons, à tout le moins, que les ministres veillent à ce que les professionnels de la santé qui remplissent les documents nécessaires pour appuyer les demandes soumises au titre du CIPH soient indemnisés directement par le gouvernement (au lieu que les frais liés aux documents soient passés aux demandeurs). Nous félicitons le gouvernement d’avoir alloué des fonds à cette fin dans le budget de 2024-2025. Cependant, la prorogation du Parlement a entravé la mise en œuvre du programme connexe. Nous recommandons que ce point soit traité en priorité lorsque le Parlement reprendra ses travaux afin de garantir qu’un nombre élevé de personnes puissent bénéficier du CIPH et, par conséquent, de la PCPH et d’autres programmes de sécurité financière qui sont importants pour les personnes en situation de handicap.